Mamadi Doumbouya

Guinée 5 Septembre (2021-2024)

Le 5 septembre 2021 marque un tournant important dans l’histoire récente de la Guinée avec le coup d’État qui a renversé le président Alpha Condé.

Au pouvoir depuis 2010, Alpha Condé est contesté depuis sa réélection en 2020[1] pour un troisième mandat après avoir fait modifier par référendum[2] la Constitution pour remettre à zéro le compteur de ses mandats passés et être de nouveau éligible.

Le 5 septembre 2021, le lieutenant-colonel Mamady Doumbouya, à la tête du Comité national du rassemblement et du développement (CNRD), a attaqué le palais présidentiel et renversé le président Alpha Condé. Selon les sources, le bilan des événements fait état de dix ou vingt morts, voir plus principalement au sein de la garde présidentielle.

L’annonce du coup d’Etat a suscité des scènes de joie à Conakry et ailleurs dans le pays. Aussi bien la population que l’armée ont adhéré à ce coup de force. D’après International Crisis Group (ICG), aucune manifestation ne semble avoir été organisée pour protester contre le coup d’Etat.[3]

Le 27 septembre 2021 une charte de transition a été publiée faisant de Doumbouya le président de la Transition. Un gouvernement de transition a été formé, avec Mohamed Béavogui nommé Premier ministre le 6 octobre 2021.

Les Guinéens devront encore attendre pour connaître la date exacte de la fin de la transition. Des tensions sont apparues avec certains acteurs politiques et de la société civile, notamment le Front national pour la défense de la Constitution (FNDC) qui a été dissous par la junte. Les leaders du (FNDC) sont portés disparus à nos jours. Même si s’appuyer sur toutes les forces vives et l’héritage politique du pays, c’était l’une de ambitions de Mamadi Doumbouya le jour de sa prise de pouvoir.

Depuis son arrivée au pouvoir en septembre 2021, le président de la transition guinéenne Mamadi Doumbouya a adopté des méthodes expéditives qui suscitent des réactions mitigées. Répression de manifestations et dissolution d’organisations de la société civile comme le FNDC, prise de décisions unilatérales sans consultation large des acteurs politiques.[3]

Mamadi Doumbouya a construit son discours autour d’un développement plus inclusif , mettre fin à la corruption endémique, préserver les intérêts nationaux et redistribuer les richesses, autant de réformes lancées par celui qui s’est engagé à quitter ses fonctions en fin d’année 2024.

Malgré les efforts entrepris sur le plan économique, la situation politique de la Guinée reste incertaine, les tensions politiques sont palpables mais les priorités de nombreux habitants sont autres, notamment économiques. 

Si une partie de la population soutient les réformes entreprises, d’autres s’inquiètent de la confiscation du pouvoir par les militaires et des interrogations persistent sur la légitimité de la durée de la transition et l’absence de changements concrets pour les citoyens.

Réformes économiques et lutte contre la corruption

Le président de transition a lancé plusieurs chantiers de réforme :

  • Révision des contrats miniers pour préserver les intérêts nationaux. Des critiques ont été formulées concernant le manque de prise en compte des intérêts des communautés locales dans des projets majeurs, comme celui de la mine de bauxite de Simandou. De plus, certaines institutions indépendantes chargées de la lutte contre la corruption ont été placées sous le contrôle direct de la présidence, ce qui limite l’efficacité des contrôles.[3]
  • Efforts pour lutter contre la corruption dans l’administration publique, la Cour de Répression des Infractions Économiques et Financières (CRIEF)  a été créée le 2 décembre 2021. Cependant, il est crucial que ces efforts soient accompagnés de garanties pour le respect des droits humains et des procédures judiciaires équitables. Des Inquiétudes sur le respect des droits de la défense et du droit à un procès équitable.
  • Annonce de réformes dans la fonction publique, notamment un projet de biométrisation des fonctionnaires.

Développements sur 3 ans (2021-2024)

  • Une charte de transition a été publiée le 27 septembre 2021, faisant de Doumbouya le président de la Transition.
  • Un gouvernement de transition a été formé, avec Mohamed Béavogui nommé Premier ministre le 6 octobre 2021.
  • La junte a initialement annoncé une transition de 36 mois, mais a fait face à des pressions de la CEDEAO pour réduire cette période.
  • Des tensions sont apparues avec certains acteurs politiques et de la société civile, notamment le Front national pour la défense de la Constitution (FNDC) qui a été dissous par la junte.

De la réconciliation nationale

La junte au pouvoir en Guinée, dirigée par le colonel Mamadi Doumbouya, a adopté une approche mitigée concernant la réconciliation nationale :

  • Organisation d’Assises nationales en mars 2022, présentées comme des journées de « pardon et de vérité » pour faciliter le vivre-ensemble.

Dans son discours d’ouverture, le président de la transition, le colonel Mamadi Doumbouya a déclaré : « […] Les Assises nationales sont au-dessus de toutes les considérations politiques, ethniques et religieuses de notre nation. Elles faciliteront sans doute le vivre ensemble auquel nous aspirons. J’en appelle à l’implication des acteurs politiques, culturels, religieux et socio-professionnels pour conférer à cet événement toute la réussite qu’il mérite […]

Assises Nationales en Guinée

Chacun de nous, ici, dans ce pays, a subi une brutalité. Les plaies sont là, béantes. Il est temps qu’on les nettoie, qu’on y apporte les pansements. Pour qu’on guérisse. Evidemment, des cicatrices resteront. Elles seront le témoin de nos folies passées, pour que celles-ci ne se répètent plus. Mais, elles seront surtout l’expression la plus nette de nos pardons respectifs. »

De nombreux acteurs politiques et de la société civile ont déploré l’imprécision des termes de référence et des objectifs de ces Assises. Le concept même des Assises nationales manquait de clarté selon certains. Des ONG et personnalités de la société civile ont regretté le manque de concertation en amont sur l’organisation de ces Assises.

  • Appel à l’implication de divers acteurs politiques, culturels, religieux et socio-professionnels dans ce processus.

Boycott d’une partie de la classe politique, une soixantaine de partis politiques ont décidé de ne pas participer aux Assises, signe d’un manque d’adhésion. Certains vont à se demander si Doumbouya ne s’est pas inscrit dans le scénario malien. Des formations politiques , comme l’UFR de Sidya Touré, ont remis en question l’utilité de ces Assises, préférant un dialogue direct sur le chronogramme de la transition.

  • Annonce d’un dialogue « au-dessus de toutes les considérations politiques, ethniques et religieuses ».

Certes, la Guinée connait des déchirures dans le tissu social et politique mais il s’agit, pour l’essentiel, de questions qui peuvent clairement être prises en compte par la Justice. Des critiques font valoir aussi qu’une commission de réconciliation s’était déjà longuement penchée il y a plusieurs années sur les décennies précédentes et avait formulé ses recommandations.

Situation au 5 septembre 2024

La junte a initialement annoncé une transition de 36 mois, mais a fait face à des pressions de la CEDEAO pour réduire cette période. Cette période de transition de 36 mois initialement annoncée arrive théoriquement à son terme. Des élections auraient dû être organisées pour rétablir un ordre constitutionnel, conformément aux engagements pris par la junte avant le 31 Décembre 2024.

On peut déduire que les Guinéens devront encore attendre pour connaître la date exacte de la fin de la transition et nombreux sont les Guinéens qui s’interrogent sur la légitimité et l’intérêt d’une transition qui s’éternise. Cependant, publié en ligne par le Conseil national de transition(CNT) le projet de Constitution qui sera soumis à un vote avant la fin de l’année, propose un système législatif bicaméral avec une Assemblée nationale et un Sénat.

Trois ans après ce coup de force, la Guinée se porte-elle mieux qu’elle ne l’était ?  Trois ans après le bilan de la transition en Guinée est mitigé.

  • La durée de la transition a été prolongée au-delà des délais initialement prévus, suscitant des critiques.
  • Les changements concrets dans la vie quotidienne des Guinéens tardent à se matérialiser et restent largement insatisfaites.
  • La confiance d’une partie de la population envers les intentions réelles de la junte s’est érodée.
  • la Guinée fait toujours face à d’importants défis politiques, économiques et sociaux trois ans après le coup d’État. Les progrès réels en termes de gouvernance restent insuffisantes.
  • La situation des droits de l’homme en Guinée reste préoccupante, Liberté d’expression et de réunion limitées.
  • L’interdiction générale des rassemblements politiques est toujours en vigueur depuis mai 2022.
  • L’accès aux réseaux sociaux et à certains médias a été perturbé en 2023., et des radios fermées.
  • Des manifestants ont été tués par les forces de sécurité et des journalistes arrêtés arbitrairement.
  • Problèmes persistants dans le système judiciaire.
  • L’institution nationale des droits de l’homme manque de moyens et semble peu active.

La CRIEF a été créée le 2 décembre 2021  pour lutter contre la corruption et les crimes économiques. Des organisations comme la FIDH ont appelé à ce que la lutte contre la corruption soit menée dans le respect des droits fondamentaux. La perception de certains Guinéens est que de la CRIEF bientôt deux(2) ans après sa création reste un instrument politique.

Certains voient la CRIEF comme un outil utilisé par le pouvoir en place pour cibler des opposants politiques, et un manque de transparence dans les procédures. Les critiques pointent un manque de clarté dans le fonctionnement et les procédures de la CRIEF. Questionnements sur l’indépendance de l’institution. Des doutes sont émis quant à l’autonomie réelle de la CRIEF vis-à-vis du pouvoir exécutif. Des controverses sur certaines actions, notamment concernant la récupération de biens immobiliers, perçues comme arbitraires par certains. Débat sur la légitimité d’une juridiction d’exception créée par un régime de transition.

Des organisations comme la FIDH ont appelé à ce que la lutte contre la corruption soit menée dans le respect des droits fondamentaux. Perception d’une instrumentalisation politique. Le manque d’indépendance et d’efficacité du système judiciaire est souvent souligné comme un facteur d’insécurité.

Crimes

Les crimes violents sont fréquents, en particulier à Conakry, mais aussi dans certaines régions rurales, notamment Kankan. Des vols à main armée, des détournements de voitures, des agressions, des vols avec agression et des introductions par effraction se produisent Conakry et dans la région de Kindia. Ces crimes violents sont souvent commis par des hommes en uniforme.

Des critiques pointent principalement la présence de l’État à travers ses moyens de répression plutôt que par des services publics efficaces. La jeunesse guinéenne, qui représente la majorité de la population, est particulièrement touchée par le chômage et le manque d’opportunités.[4]

Ces éléments soulignent la nécessité d’une réforme profonde des institutions de sécurité et de justice en Guinée, ainsi que d’une amélioration de la gouvernance pour renforcer la sécurité des biens et des citoyens.

Ressources

[3] En Guinée, la transition stagne

[4] Niveau de risque

La rédaction afrique54

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