L’effet des réseaux sociaux en Afrique
Les réseaux sociaux exercent une influence croissante en Afrique, avec des implications variées sur les plans social, économique et politique.
Une étude du Collaboration on International ICT Policy for East and Southern Africa (Cipesa) publiée en mai 2022 souligne « que 33 % du 1,37 milliard d’habitants de l’Afrique sont connectés à Internet et une majorité d’entre eux utilisent les plateformes des médias sociaux, avec environ 255 millions d’actifs sur Facebook uniquement ». Un nombre de personnes connectées qui croîtra pour atteindre le chiffre de 1,1 milliard d’utilisateurs selon les derniers chiffres publiés par Statista en mars 2024.[1]
Les réseaux sociaux ont profondément transformé les modes de communication et les dynamiques sociales à travers le monde. L’Afrique n’a bien sûr pas échappé au phénomène, mais ce continent, singulier et multiple, présente des caractéristiques uniques qui se distinguent nettement des tendances observées en France et en Europe. Et il faut évidemment rappeler qu’il n’y a pas « une » Afrique avec des usages homogènes mais des pays qui présentent des caractéristiques spécifiques.[2]
Croissance et adoption
- L’utilisation des réseaux sociaux en Afrique a significativement augmenté, passant de 25% de la population en 2021 à 35% en 2024. Cette croissance est facilitée par une meilleure accessibilité des smartphones et la réduction des coûts de données.
- Les principales plateformes utilisées incluent Facebook, WhatsApp, Instagram, TikTok, LinkedIn, et X/Twitter, avec des variations selon les régions.
Impact social et économique
- Les réseaux sociaux offrent des milliers d’opportunités aux jeunes et bouleversent le fonctionnement de nombreux secteurs, y compris la politique, la communication, et l’économie. Ils sont devenus des espaces d’échanges constructifs et de transformation pour les entreprises africaines.
- Des initiatives locales, telles que Wakanda Messenger et KeyZane, illustrent l’émergence d’applications africaines répondant aux besoins spécifiques du continent.
Comment les réseaux sociaux influencent-ils la politique en Afrique?
Les réseaux sociaux ont un impact significatif sur la politique en Afrique, influençant divers aspects des processus politiques et démocratiques.
Influence sur les élections
- En Afrique du Sud, les réseaux sociaux jouent un rôle crucial dans les élections, où leur influence numérique peut affecter la fiabilité des informations disponibles pour les électeurs. Les chercheurs surveillent les campagnes de désinformation, notamment l’utilisation de l’intelligence artificielle pour créer des deepfakes et des chambres d’écho qui manipulent le flux d’informations. Cette manipulation peut influencer les résultats électoraux en façonnant les opinions des électeurs. Les réseaux sociaux deviennent un facteur dominant dans les processus électoraux, avec des plateformes comme Facebook, Twitter, YouTube et WhatsApp ayant une influence de plus en plus considérable sur la création, la diffusion et la consommation de contenus politiques en Afrique. Les plateformes de médias sociaux collectent et rassemblent de grandes quantités de données auprès de leurs utilisateurs. La puissance des algorithmes pour filtrer, classer, sélectionner et recommander les contenus en fait un facteur important dans les campagnes électorales.[4]
Mobilisation politique et activisme
- Les réseaux sociaux offrent une plateforme pour les activistes et les mouvements sociaux, surtout dans les régimes autoritaires où l’accès aux médias traditionnels est limité. Ils permettent de contourner la censure et de sensibiliser le public à travers des campagnes en ligne. Par exemple, en Côte d’Ivoire, les réseaux sociaux sont utilisés pour promouvoir la démocratie et fournir une tribune aux voix dissidentes.
Participation des diasporas
- Les réseaux sociaux facilitent également la participation politique des diasporas africaines en Europe. Ils permettent aux membres de ces communautés de s’engager politiquement tout en explorant des opportunités économiques à travers le cyber-activisme et l’entrepreneuriat numérique. Cela crée un espace virtuel diversifié qui transcende les frontières nationales et favorise un engagement transnational.[3]
Défis et opportunités
- Bien que les réseaux sociaux offrent des opportunités pour renforcer la participation politique, ils posent également des défis, notamment en matière de désinformation et de manipulation de l’opinion publique.[1] La nécessité d’une surveillance indépendante et d’un accès équitable aux données des plateformes est cruciale pour garantir l’intégrité des processus démocratiques.
Quels pays africains ont le plus souffert de la manipulation des réseaux sociaux pendant les élections?
D’après les informations disponibles, plusieurs pays africains ont été particulièrement touchés par la manipulation des réseaux sociaux lors de leurs élections :
- Nigeria : Le pays a connu une forte activité de désinformation sur les réseaux sociaux lors des élections, notamment en 2015. Cambridge Analytica aurait été impliquée dans la diffusion de fausses informations et la manipulation de l’opinion publique, notamment en faisant circuler le dossier médical du candidat Buhari pour semer le doute sur sa capacité à gouverner.
- Kenya : Lors des élections présidentielles de 2013 et 2017, Cambridge Analytica aurait collecté les données personnelles des électeurs pour déployer une propagande basée sur des mensonges et des exagérations, afin d’influencer le vote en faveur du président Uhuru Kenyatta.
- Gabon : Pendant l’élection présidentielle de 2016, les autorités ont procédé à une coupure d’internet de 5 jours, probablement pour limiter la diffusion d’informations sur les réseaux sociaux.
- République démocratique du Congo : Lors de la dernière élection présidentielle, le gouvernement a suspendu l’accès à internet et aux SMS pour une durée indéterminée, craignant un « soulèvement des populations » à cause des chiffres diffusés sur les réseaux sociaux.
- Afrique du Sud : Le pays fait face à des risques d’ingérence russe dans ses élections, avec des efforts de désinformation visant à accroître la polarisation et la désillusion envers la démocratie.
Ces exemples montrent que la manipulation des réseaux sociaux pendant les élections est un problème répandu en Afrique, touchant aussi bien les grandes puissances économiques du continent que des pays plus petits. Les tactiques varient de la diffusion de fausses informations à la coupure pure et simple d’internet, en passant par l’utilisation de données personnelles pour cibler les électeurs.
Ressources
- [1] L’Afrique prise d’assaut par les campagnes de désinformation
- [2] L’avis des experts
- [3] Militants de la diaspora : loin mais efficaces
- [4] Algorithmes des médias sociaux
- [5] Désinformation sur les réseaux sociaux et leçons pour les élections en Afrique
La rédaction afrique54