ONU : À l’Assemblée générale le plaidoyer des pays africains
À l’Assemblée générale, les pays africains plaident pour une réforme du Conseil de sécurité et de l’architecture financière internationale
Se succédant à la tribune de l’Assemblée générale ce matin, les chefs d’État et de gouvernement africains ont redoublé d’appels à réformer en profondeur le système onusien et l’architecture financière internationale. Ce troisième jour du débat général a aussi été marqué par l’intervention du Président de l’État de Palestine et par celle du Président du Conseil présidentiel de transition d’Haïti qui ont plaidé chacun pour la création d’une mission de maintien de la paix de l’ONU.
« Les États choisissent de plus en plus l’unilatéralisme et la militarisation plutôt que le dialogue et la diplomatie », a regretté le Président kényan, constatant, à l’instar de nombre de ses pairs, une érosion de la confiance dans le système multilatéral. Nous ne pouvons pas continuer avec un Conseil de sécurité qui reflète les structures des pouvoirs de 1945, une période où la plupart des États africains actuels étaient encore sous domination coloniale et n’avaient donc pas voix au chapitre dans les affaires mondiales, a élaboré le Président de Sao Tomé-et-Principe. Jugeant le Conseil « dysfonctionnel, non démocratique, non inclusif, non redevable, autocratique et opaque », son homologue kényan a précisé qu’il excluait 54 pays africains, représentant 1,4 milliard de personnes, tout en permettant à une nation d’opposer son veto aux décisions de tous les autres États Membres.
La priorité de l’Afrique est la réforme du Conseil de sécurité avec l’attribution de deux sièges de membre permanent pour le continent, a résumé le Président du Malawi. Il s’est félicité du soutien affiché sur ce sujet par les Présidents des États-Unis et de la Chine. L’Afrique attend cependant une adhésion plus large des autres membres permanents à cette initiative, a dit le Président de la transition du Gabon, en même temps que l’accès au droit de veto des membres africains, conformément au consensus d’Ezulwini.
« Il n’y a pas de développement sans paix, et pas de paix sans développement », a souligné le Président de Sao Tomé-et-Principe, un argument souvent repris par les dirigeants africains. Le Président de la Gambie a indiqué que son pays, comme la plupart des pays les moins avancés, faisait face à des défis qui menacent sa survie même, appelant la communauté internationale à s’acquitter de ses engagements au titre de l’aide publique au développement. Face au retard pris dans la réalisation des objectifs de développement durable, le Président du Kenya a blâmé, entre autres facteurs, le manque de financement, d’appui technique et de renforcement des capacités.
La crise de la dette en Afrique est un « cancer » qui finira par atteindre vos pays, a averti le Président du Malawi, estimant que les pays du continent étaient lésés dans leur accès aux marchés internationaux. Développant cet argument, le Président kényan a dénoncé les « méthodologies biaisées » des agences de notation qui les désavantagent. Insistant sur ce point, il a expliqué que de nombreux pays du Sud devaient choisir entre l’achat de médicaments et de manuels scolaires ou le remboursement de la dette. « On peut se demander ce qui se passe dans la tête de ceux qui donnent la priorité au rendement économique plutôt qu’aux personnes, qu’est-il arrivé à l’humanité? »
Ces chefs d’État, pour ne citer qu’eux, ont également plaidé pour une réforme des institutions financières mondiales. De son côté, le Président de la République centrafricaine a exhorté l’ONU à œuvrer davantage en faveur de la mise en œuvre du « nexus climat, paix et développement », en créant une synergie entre adaptation climatique et consolidation de la paix.
Arrivé à la tribune sous les applaudissements, le Président de l’État de Palestine, a martelé: « Nous ne partirons pas, nous ne partirons pas, la Palestine est notre patrie! » ajoutant que si quelqu’un devait partir, c’était l’occupant. Il a accusé Israël d’être responsable d’une « guerre génocidaire » à Gaza, qui a fait plus de 40 000 morts, dont 30 000 femmes et enfants, 100 000 blessés et 2 millions de personnes déplacées. « Faites cesser ce génocide, faites cesser l’envoi d’armes à Israël! » a-t-il imploré, « cette folie ne doit pas continuer, le monde entier est responsable ».
Le Président a déploré que les États-Unis aient opposé par trois fois, seuls, leur veto au Conseil de sécurité à des projets de résolution appelant au cessez-le-feu. Estimant que la fourniture continue d’armes par les États-Unis à Israël constituait un encouragement, il a ajouté qu’ils étaient aussi le seul pays membre du Conseil de sécurité à avoir voté contre l’octroi à la Palestine du statut d’État Membre à part entière. Selon lui, c’est Israël, qui refuse d’appliquer les résolutions de l’ONU, et dont le représentant a affirmé ici même que ce bâtiment devrait être rasé, qui « ne mérite pas d’être Membre de l’ONU ».
« Nous ne permettrons pas à Israël de prendre un centimètre de Gaza », a-t-il lancé après avoir accusé le Premier Ministre israélien de vouloir expulser la population de Gaza et de Cisjordanie vers l’Égypte et la Jordanie. Enfin, il a demandé un retour de la souveraineté et de la juridiction de l’État de Palestine sur Gaza, la tenue dans l’année d’une conférence de paix sous les auspices de l’ONU pour mettre en place la solution des deux États, et la mise en place s’une force de maintien de la paix de l’ONU entre l’État de Palestine et Israël.
« Quand Israël empruntera-t-il le chemin de la paix jusqu’au bout? » a fait écho le Ministre des affaires étrangères et des émigrants du Liban, avant de réitérer son appel à un cessez-le-feu sur tous les fronts. Il a exhorté la communauté internationale à agir avant que la situation de crise dans son pays ne dégénère encore davantage et ne s’étende à toute la région. « Ce que nous vivons aujourd’hui au Liban est le résultat, et non la cause, de l’absence d’une solution durable. La cause, c’est l’occupation », a-t-il argué.
Concernant la situation à Gaza, le Président du Conseil européen a condamné les attaques terroristes perpétrées par le Hamas et exigé la libération immédiate des otages. Il a affirmé qu’Israël avait le droit de se défendre, mais en respectant le droit international et le principe de proportionnalité. Il a appelé à un cessez-le-feu immédiat, tout en soulignant la nécessité d’une solution à deux États. Il a insisté sur le fait que la sécurité ne pouvait être assurée sans la paix, et que le déni des droits du peuple palestinien alimentait la polarisation mondiale. « La politique suivie par Israël est sans issue et dangereuse pour tous. Elle doit changer. »
De son côté, le Président du Conseil présidentiel de transition d’Haïti, a assuré que son peuple, malgré les épreuves auxquelles il est confronté –une violence dévastatrice, une instabilité politique persistante, une précarité quasi générale et une pauvreté dégradante– « refuse de se laisser submerger par le désespoir ». Rappelant qu’Haïti avait accueilli plusieurs missions de l’ONU au cours des trois dernières décennies, dont certaines ont laissé un « héritage lourd de conséquences », il a déclaré: « Nous avons aujourd’hui l’opportunité de redorer le blason des missions internationales en Haïti. » C’est dans cet esprit qu’il a souhaité voir s’amorcer une réflexion sur la transformation de la Mission d’appui à la sécurité actuellement déployée par le Kenya en une mission d’opération de maintien de la paix sous mandat de l’ONU. Une transformation qui permettrait à la fois de sécuriser un financement plus stable et d’élargir les capacités de la Mission, mais également de renforcer l’engagement des États Membres en faveur de la sécurité en Haïti, face à la montée en puissance des gangs.
L’Assemblée générale poursuivra son débat général demain, vendredi 27 septembre, à partir de 9 heures
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